SAINT-MARTIN : UNE NOUVELLE CORSE ?
Le 20 juillet 2003, Jean-Pierre PASSERA, créateur d'un nouveau concept de stations-service à Saint-Martin, dans les Antilles françaises, était froidement assassiné, « sous contrat », à son domicile. Ce dynamique entrepreneur avait rencontré bon nombre d'embûches dans la création des stations Cadisco, se heurtant aux puissants intérêts hollandais mais aussi aux mesures tant arbitraires qu'illégales de l'administration française et à des groupuscules n'hésitant pas à user de méthodes aussi radicales qu'expéditives.
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Le jeudi 6 janvier 2005, un des membres les plus recherchés du commando ayant conduit au meurtre de Jean-Pierre Passera est arrêté en partie hollandaise de Saint-Martin. Brigadier de police, il faisait l'objet d'une longue et difficile procédure, aucun accord d'extradition systématique n'étant encore en vigueur entre les deux parties de l'île, et continuait d'exercer sa profession, à seulement quelques kilomètres des Gendarmes français qui n'avaient aucun moyen d'action direct. Le Procureur de Guadeloupe et le Juge d'instruction chargé de l'enquête ont dû affronter un manque évident de coopération de la part des autorités des Antilles Néerlandaises, malgré le mandat d'arrêt international qui avait été délivré. Mais le Procureur Général basé à Curaçao a finalement ordonné l'arrestation de ce policier qui a joué un rôle capital dans l'organisation du meurtre. Ce dernier a été écroué à la prison de Pointe Blanche dans l'attente d'un éventuel transfert vers Curaçao ou d'une extradition vers le centre de détention de Basse-Terre, où il pourrait rejoindre deux de ses complices toujours sous mandat d'écrou.

Saint Martin : une terre de non droit plus qu'un paradis touristique

Vue de métropole, l'île de Saint-Martin apparaît assurément comme un coin de paradis avec ses belles plages et sa mer bleu turquoise. Partagée, cas unique dans le monde, par une frontière virtuelle entre les parties sous souveraineté, l'une française, l'autre hollandaise, elle est cependant souvent oubliée des règles de démocratie et des lois métropolitaines. Le déséquilibre économique entre ces deux parties est depuis longtemps flagrant, Sint Maarten étant largement prédominante sur Saint Martin. Il en est pour preuve l'accueil des touristes avec la présence d'un aéroport international (Juliana Airport) et d'un port en eau profonde pouvant recevoir les ferries, sur la seule partie néerlandaise, ou l'approvisionnement en biens de consommation, entrant majoritairement par cette partie de l'île. L'arrivée du cyclone Luis en 1995 a mis en évidence cette dépendance, les autorités hollandaises ayant unilatéralement fermé la frontière, pourtant physiquement inexistante, afin d'interrompre l'approvisionnement en carburant à partir de l'unique dépôt de stockage de Cat Bay. La distribution de combustibles était aux mains des seules sociétés Shell et Texaco qui se partageaient depuis toujours le marché local des deux parties de l'île.

Le gouvernement de Curaçao n'avait d'ailleurs pas hésité à instaurer, dès le 1er janvier 1997, une taxe sur l'essence de deux francs par litre, violant ainsi le droit international interdisant à un pays souverain d'en taxer un autre, fût-il limitrophe. Les autorités françaises ne s'en étaient pas offusquées.

Mai 1998 : l'arrivée dérangeante de Cadisco

Devant cette curieuse situation, Jean-Pierre Passera, arrivé sur l'île avec sa famille en 1997, décide de mettre en place un nouveau procédé de stockage et de distribution de carburant. Partant du principe qu'un stockage enterré était à la fois impensable et dangereux, en raison de la situation cyclonique et du faible volume de consommation, il met en place un système d'approvisionnement par tanktainers, lui permettant, grâce à une liaison directe de ces citernes sur un réseau de pompes, de les faire entrer directement par le petit port à faible tirant d'eau de Galisbay. L'avantage de cette méthode alliait la souplesse d'utilisation et la rapidité de rotation. En outre, la sécurité était assurée tant en période normale, grâce à l'utilisation de citernes utilisées sur le territoire américain aux normes supérieures aux règles françaises et en l'absence de toute émission due au remplissage des cuves, qu'en période cyclonique, ces tanktainers pouvant être rapidement déplacés.

Les premières réactions

Dès l'ouverture de la première station-service, l'impact commercial s'est traduit par un accueil extrêmement favorable de la population de Saint Martin, qui désespérait de voir arriver une entreprise capable d'introduire une véritable concurrence dans le secteur de l'énergie et par l'arrivée massive de résidents de la partie hollandaise qui n'avaient pas, non plus, apprécié le quasi doublement du prix des carburants, après les énormes pertes dues au cyclone Luis et au peu d'intérêt (et d'aides financières) que les pouvoirs publics avaient manifesté.

Texaco dépêchait un « mercenaire » qui menaçait ouvertement le gérant de Cadisco de tirer sur les citernes qui se trouvaient justement dans l'axe de la villa habitée par le fils de l'agent local, à savoir Mme Fleming. Shell, dont certains des dirigeants politiques de Sint-Marten possèdent des intérêts dans plusieurs stations côté hollandais, préféra la voie du lobbying, c'est-à-dire n'ont cessé d'assaillir le sous-préfet, ainsi que certaines instances politiques en France, pour que cesse ce qu'ils considéraient être une « concurrence déloyale » (sic).

Côté français, l'opposition la plus farouche venait d'un dénommé Bruno Choisy, transfuge de Shell, ex-gérant d'une société ayant fait faillite au lieu-dit La Savane, n'hésitant pas à proférer des menaces de mort sur les dirigeants de la société et à réaliser des pressions sur certains élus ainsi que des tentatives de circonventions de la presse pour tenter de disqualifier Cadisco (voir encadré violet).

« Il faudra donner un petit quelque chose au Maire »

Le sous-préfet de l'époque, Jean Louis Petit, avait clairement annoncé la couleur : « Il faudra donner un petit quelque chose au Maire », étranges propos de la part d'un représentant de l'état français qui ne manquaient pas de saveur, mais Cadisco s'était cependant abstenu de ce genre de pratiques. Il convoquait alors d'urgence un dénommé Gilles Ledoux se prétendant, selon les cas, directeur de la Drire Guadeloupe, responsable des installations classées ou même inspecteur en chef des dites installations. Il se présentait le jour même de l'ouverture, en déclarant : « Je suis là pour faire fermer votre station sur ordre du Préfet ». Ce dernier tentait donc de prendre un arrêté préfectoral qu'il s'abstenait de signer, demandant au maire de Saint Martin de s'en charger, en vain.

Le 26 décembre 2000, lendemain de Noël, date judicieusement choisie avec l'espoir que les dirigeants soient en congés, Monsieur Ledoux se présentait une nouvelle fois à la station-service avec un formulaire préparé pour l'occasion. Il relevait 29 infractions dans un document qu'il qualifiait ensuite de « brouillon ». Or, il s'avérait que 24 de ces 29 points étaient le résultat de falsifications, de constatations mensongères, d'interprétation des textes de façon partiale et d'omissions volontaires dans l'exposé des textes, et contraire à l'éthique d'un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions.

Le 21 juin 2001, le Préfet recevait les dirigeants des seules stations Shell et Texaco et prenait, ce même jour, par troublante coïncidence, un arrêté de fermeture de l'installation et de pose de scellés, omettant la mention d'un quelconque délai d'éventuelle mise en conformité pour la société Cadisco.

Le 29 décembre 2001, le sous-préfet en personne, Patrice Latron, accostait en vedette des douanes à la station-service et plusieurs gendarmes pénétraient de force dans l'enceinte fermée de la propriété privée, sans aucun soutien des procédures obligatoires de réquisition de la force publique, afin de « vérifier si les scellés n'avaient pas été brisés ». Un huissier constatera d'ailleurs que rien n'avait été touché et que cette intrusion par des représentants de l'état était fortement démesurée et n'avait pour objectif que l'intimidation.

Le sous-préfet fait couper le courant

Un projet de seconde station-service était mis en œuvre rapidement par Jean-Pierre Passera, dès l'année 2000. Les autorisations de voirie ainsi qu'un permis de construire avaient déjà été accordés au propriétaire du terrain. Pourtant, lorsque les services de l'état, la Direction Départementale de l'Equipement (DDE) et la mairie, se rendirent compte que ces demandes émanaient de la même société, ils usèrent de tous les moyens pour freiner la réalisation de la station. La mairie refusait a posteriori le permis de construire, sans aucun respect du délai légal et la DDE revenait sur sa décision. Devant la poursuite des travaux, le sous-préfet déclarait « Il faut les arrêter par tous les moyens », une phrase qui ne manque pas de choquer lorsqu'on connaît la suite des événements et l'assassinat du concepteur.

Il demandera alors personnellement à EDF de couper l'alimentation en électricité et confirmera cette prise de position dans le cadre des procédures judiciaires, la justifiant par les refus précités, mais sans jamais en notifier légalement la société lésée. Pourtant, les organismes officiels, tels Veritas ou Consuel, avaient délivré les autorisations nécessaires.

Le silence meurtrier des politiques

Très tôt, Cadisco avait tenté d'entreprendre toutes les procédures légales, au regard du droit français, pour faire cesser ces pratiques discriminatoires. Jean-Pierre Passera s'était fortement impliqué dans une quête de justice. Il en avait appelé à la Présidence de la République, aux Ministères de l'Intérieur et de la Justice, à la Préfecture de Région. En vain. Chacun d'entre eux avait été informé des menaces de mort qui pesaient sur lui, mais rien n'avait été fait. Le 20 juillet 2003, deux hommes cagoulés s'introduisaient à son domicile, l'abattant froidement

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