SAINT-MARTIN : UNE NOUVELLE CORSE ? | ![]() |
Le 20 juillet 2003, Jean-Pierre PASSERA, créateur d'un nouveau concept de stations-service à Saint-Martin, dans les Antilles françaises, était froidement assassiné, « sous contrat », à son domicile. Ce dynamique entrepreneur avait rencontré bon nombre d'embûches dans la création des stations Cadisco, se heurtant aux puissants intérêts hollandais mais aussi aux mesures tant arbitraires qu'illégales de l'administration française et à des groupuscules n'hésitant pas à user de méthodes aussi radicales qu'expéditives. |
Saint Martin : une terre de
non droit plus qu'un paradis touristique
Vue de métropole, l'île de Saint-Martin apparaît
assurément comme un coin de paradis avec ses belles plages et sa mer bleu
turquoise. Partagée, cas unique dans le monde, par une frontière virtuelle
entre les parties sous souveraineté, l'une française, l'autre hollandaise,
elle est cependant souvent oubliée des règles de démocratie et des lois
métropolitaines. Le déséquilibre économique entre ces deux parties est
depuis longtemps flagrant, Sint Maarten étant largement prédominante sur
Saint Martin. Il en est pour preuve l'accueil des touristes avec la présence
d'un aéroport international (Juliana Airport) et d'un port en eau profonde
pouvant recevoir les ferries, sur la seule partie néerlandaise, ou
l'approvisionnement en biens de consommation, entrant majoritairement par
cette partie de l'île. L'arrivée du cyclone Luis en 1995 a mis en évidence
cette dépendance, les autorités hollandaises ayant unilatéralement fermé la
frontière, pourtant physiquement inexistante, afin d'interrompre
l'approvisionnement en carburant à partir de l'unique dépôt de stockage de
Cat Bay. La distribution de combustibles était aux mains des seules sociétés
Shell et Texaco qui se partageaient depuis toujours le marché local des deux
parties de l'île.Le gouvernement de Curaçao n'avait d'ailleurs pas hésité à instaurer, dès le 1er janvier 1997, une taxe sur l'essence de deux francs par litre, violant ainsi le droit international interdisant à un pays souverain d'en taxer un autre, fût-il limitrophe. Les autorités françaises ne s'en étaient pas offusquées. Mai 1998 : l'arrivée dérangeante de Cadisco
Devant cette curieuse situation, Jean-Pierre Passera, arrivé sur l'île avec sa famille en 1997, décide de mettre en place un nouveau procédé de stockage et de distribution de carburant. Partant du principe qu'un stockage enterré était à la fois impensable et dangereux, en raison de la situation cyclonique et du faible volume de consommation, il met en place un système d'approvisionnement par tanktainers, lui permettant, grâce à une liaison directe de ces citernes sur un réseau de pompes, de les faire entrer directement par le petit port à faible tirant d'eau de Galisbay. L'avantage de cette méthode alliait la souplesse d'utilisation et la rapidité de rotation. En outre, la sécurité était assurée tant en période normale, grâce à l'utilisation de citernes utilisées sur le territoire américain aux normes supérieures aux règles françaises et en l'absence de toute émission due au remplissage des cuves, qu'en période cyclonique, ces tanktainers pouvant être rapidement déplacés. Les premières réactionsDès l'ouverture de la première station-service, l'impact commercial s'est
traduit par un accueil extrêmement favorable de la population de Saint
Martin, qui désespérait de voir arriver une entreprise capable d'introduire
une véritable concurrence dans le secteur de l'énergie et par l'arrivée
massive de résidents de la partie hollandaise qui n'avaient pas, non plus,
apprécié le quasi doublement du prix des carburants, après les énormes
pertes dues au cyclone Luis et au peu d'intérêt (et d'aides financières) que
les pouvoirs publics avaient manifesté. « Il faudra donner un petit quelque chose au Maire »
Le sous-préfet de l'époque, Jean Louis Petit, avait clairement annoncé la
couleur : « Il faudra donner un petit quelque chose au Maire », étranges
propos de la part d'un représentant de l'état français qui ne manquaient pas
de saveur, mais Cadisco s'était cependant abstenu de ce genre de pratiques.
Il convoquait alors d'urgence un dénommé Gilles Ledoux se prétendant, selon
les cas, directeur de la Drire Guadeloupe, responsable des installations
classées ou même inspecteur en chef des dites installations. Il se
présentait le jour même de l'ouverture, en déclarant : « Je suis là pour
faire fermer votre station sur ordre du Préfet ». Ce dernier tentait donc de
prendre un arrêté préfectoral qu'il s'abstenait de signer, demandant au
maire de Saint Martin de s'en charger, en vain. Le sous-préfet fait couper le courant
Un projet de seconde station-service était mis en œuvre rapidement par
Jean-Pierre Passera, dès l'année 2000. Les autorisations de voirie ainsi
qu'un permis de construire avaient déjà été accordés au propriétaire du
terrain. Pourtant, lorsque les services de l'état, la Direction
Départementale de l'Equipement (DDE) et la mairie, se rendirent compte que
ces demandes émanaient de la même société, ils usèrent de tous les moyens
pour freiner la réalisation de la station. La mairie refusait a posteriori
le permis de construire, sans aucun respect du délai légal et la DDE
revenait sur sa décision. Devant la poursuite des travaux, le sous-préfet
déclarait « Il faut les arrêter par tous les moyens », une phrase qui ne
manque pas de choquer lorsqu'on connaît la suite des événements et
l'assassinat du concepteur. Le silence meurtrier des politiques
Très tôt, Cadisco avait tenté d'entreprendre toutes les procédures légales, au regard du droit français, pour faire cesser ces pratiques discriminatoires. Jean-Pierre Passera s'était fortement impliqué dans une quête de justice. Il en avait appelé à la Présidence de la République, aux Ministères de l'Intérieur et de la Justice, à la Préfecture de Région. En vain. Chacun d'entre eux avait été informé des menaces de mort qui pesaient sur lui, mais rien n'avait été fait. Le 20 juillet 2003, deux hommes cagoulés s'introduisaient à son domicile, l'abattant froidement ■ |
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© FP 2003 - Mise à jour 06 janvier 2005